Enfin, presque. Parce que les amours lesbiennes sont tolérées, à condition de ne pas être trop voyantes. Or, pour Violette, se fondre dans la tapisserie, c’est mission impossible. Contrairement à la petite fleur bleue, elle prend de la place, beaucoup. Toujours en costume d’homme, cheveux coupés très courts, elle fume comme un pompier et boit comme un cosaque: on n’est pas vraiment dans des amours saphiques de salon, sur fond de charleston et sautoirs de perle.
La nature l’a aussi dotée d’un sale caractère, qui puise sa rage dans un profond rejet de l’injustice, surtout à l’écart de sa personne: comment peut-il en être autrement, au regard de son enfance? Alors, à force de la ramener, de râler, de se foutre des règlements, de corriger des arbitres qui trichent et des adversaires qui la traitent de gouine, de draguer de jeunes sportives dans les vestiaires, Violette se voit privée de licence et interdite de toute compétition sportive. Provocatrice jusqu’au bout, elle s’est aussi faite opérer d’une mastectomie, car sa poitrine la gêne pour tenir le volant de ses bolides!
Une nouvelle vie l’attend, plus show-biz – elle fréquente Cocteau, Jean Marais, devient amie-amante de Josephine Baker, puis de la comédienne Yvonne de Bray, s’essaye à chanter dans les cabarets – et encore plus masculine: elle tient un magasin d’accessoires automobiles. A force de fréquenter tout le monde, la voilà qui s’amourache d’une Allemande, qui la persuade d’assister aux JO de Berlin. C’est le début de la fin.
Sans s’en rendre compte, elle bascule, émerveillée par ce pays qui place le sport si haut, et rend hommage à Violette la sportive, alors que la France lui a fait un procès en 1928 pour port du pantalon. En 40, l’occupant efface ses dettes et la met à la tête d’un garage de la Luftwaffe, boulevard Pershing à Paris. En échange, elle doit fermer les yeux sur les trafics qui s’y déroulent et laisser trainer ses oreilles pour rapporter toute info susceptible d’intéresser les Allemands.