Et un héros, anti-héros plutôt, qui s’appelle Paul. Les hommes s’appellent souvent Paul chez Dubois, Jean-Paul. Ils font souvent de curieux métiers: notre apprenti parricide dirige une entreprise de sacs mortuaires. Et il souffre, encore plus que les précédents anti-héros de l’écrivain. Parce que la vie ne s’est pas contentée d’être absurde avec lui, elle s’est montrée de la plus grande cruauté: une mère et un frère jumeau morts à sa naissance, ça fait beaucoup pour un futur dépressif. «Depuis ce premier jour, il y a un trou en moi». Un trou que cinquante et une années de vie n’ont jamais réussi à combler. «Parfois je le sens, il bouge, change de position ou prend toute la place. Il patiente, il a tout son temps. Il attend que je tombe dedans».
Au fil des pages, on croise donc Watson, le chien sauveur, Gutzman, le psychiatre qui pleure, Lanski, le père monstrueux aussi laid qu’une murène, une IA compréhensive, Jonas, un navigateur opiniâtre privé de sa baleine, un peintre coréen qui peint des gouttes d’eau. Et des mots intrigants, comme ursodésoxycholique ou empyreume, qui, contrairement à northlander, existent bien et dont je laisse le plaisir de trouver la définition à ceux qui, comme moi, sont restés cois.
Les précédents romans, dont le prix Goncourt, et mon préféré, paru en 2016, La Succession, étaient mélancoliques; celui-là frôle le désespoir, concentré sur une question, LA question: peut-on s’épanouir sans amour ( hors celui d’un chien)? Avec poésie, une pincée d’humour et toujours beaucoup de tendresse pour les pauvres humains que nous sommes, Jean-Paul Dubois, écrivain essentiel, nous donne sa réponse, au gré d’une plume de plus en plus ciselée, petite lumière d’humanité dans un monde pourtant bien sombre. A l’image de retrouvailles inespérées sur une plage basque avec un chien têtu.
L’origine des larmes, éditions de l’Olivier, mars 2024.
Crédit photo: Ulrich Lebeuf, éditions de l’Olivier.