Chili, Pérou… Catalina – Antonio roule sa bosse et enchaîne les petits boulots, avant de s’engager comme soldat. Où a-t-elle appris à manier l’épée? Sur le tas, hasard des rencontres et des amitiés viriles. Elle la manie, et bien. Elle trucide, embroche, fend et pourfend avec maestria: les malheureux Indiens Araucans en font l’amère expérience. On la nomme alferez, lieutenant; partout dans les villages les autochtones tremblent à l’annonce de sa venue. A elle la vie de la soldatesque, les tripots, le jeu, les rixes. Parce que Madame-devenue-Monsieur a toujours un sale caractère et désormais les moyens de sa colère.
Un soir, c’est la rixe de trop: trop de vin, trop de testostérone, trop de nuit pour bien y voir, pour voir qui on a en face. Un homme se joint à ses adversaires pour la narguer, elle l’embroche derechef. Une torche éclaire le visage du mort: Catalina reconnait Miguel, son frère, venu comme elle tenter sa chance dans le Nouveau Monde.
De facétieux, le destin peut parfois se montrer très con.
Catalina s’enfuit pour échapper à l’emprisonnement et au remords. Son chagrin lui fait traverser la Cordillère des Andes, ses compagnons meurent de froid, pas elle: elle aurait bien aimé pourtant! Elle continue à fuir, loin, toujours plus loin… jusqu’à ce qu’elle rencontre un évêque, un saint homme sûrement. Et devant lui, elle craque: elle avoue tout, le meurtre de son frère, celui des Indiens (l’évêque s’en fout), la véritable nature de son sexe ( ça, l’évêque ne s’en fout pas du tout). Magnanime, l’évêque lui promet le pardon de Dieu, à condition qu’elle renonce aux habits d’homme: il est bien plus grave de cacher sa nature féminine que de trucider son prochain, fût-il son propre frère. Il lui faut aussi se faire examiner. Examiner quoi? Ben…. Pourquoi faire? Pour vérifier qu’elle est bien vierge. Par qui? Des religieuses. Ouf!
Heureusement pour elle, elle l’est. Sinon, l’offense aux yeux de Dieu eût été plus grave encore que des massacres d’Indiens. Et Dieu seul sait comment Catalina aurait fini? Brûlée comme une sorcière?
A ce niveau du récit, on est bien d’accord que si Catalina est vierge, c’est qu’elle a fricoté avec des femmes. Qui ont dû être très surprises, ce qui ne veut pas dire déçues, par ce très étonnant alferez.
C’est fini. Catalina renonce à l’aventure, à l’exaltation, au port des chausses et de l’épée, à la vie d’homme, aux jolies femmes, aux amours lesbiennes, aux Amériques.
Elle rentre. L’Espagne célèbre la Monja Alferez. Le roi Philippe IV la reçoit, lui donne plein de pépettes. Mais voilà: habillée en femme, Catalina s’emmerde. Une robe, ça n’est pas pratique pour monter à cheval. Les activités réservées aux femmes, c’est vraiment trop… pas assez… c’est pas possible, quoi!
Alors elle décide d’aller voir le pape – Urbain VIII à l’époque – et lui demande l’autorisation de reprendre les habits d’homme. Accordé mon lieutenant! Un vrai miracle.
Revigorée par l’autorisation papale, Catalina-Antonio décide de retourner aux Amériques. Où il-elle continuera sa vie, plus simplement, comme marchand de mules et d’esclaves – c’est kif-kif bourricot à l’époque -. Et il-elle la finira de très sordide façon, au fond d’un ravin, occis par des bandits de grand chemin.
Triste épilogue? Qu’importe! Tout plutôt que passer sa vie à prier Dieu et filer la laine dans l’Espagne des Habsbourg.