Trois petits tours… (Intro)

Femmes1

… et puis s’en sont allées

Des rois, des empereurs, des généraux, des aventuriers, savants, explorateurs, découvreurs de terres lointaines ou civilisations disparues, écrivains de génie, peintres maudits: des hommes, toujours des hommes.

J’écris pour un magazine d’Histoire, qui me demande toujours d’écrire sur les z’hommes.

Je ne suis pas la Lina de Chantons sous la pluie, je ne les hais pas ces z’hommes. Mais quand je propose une aventurière, « ils » choisissent un aventurier, une guerrière? un guerrier, une musicienne? un musicien, une femme peintre? un écrivain, des sorcières? ah non, pas de sorcières!

Qui ça, ils? Les z’hommes.

Des femmes, il y a en a dans ce magazine, mais trop souvent «femme de»: ce qui signifie un pantalon ou des chausses pas loin, un couple, une histoire d’amour ou de haine, mais jamais l’un sans l’autre (comprenez jamais la femme sans l’homme); et jamais la femme sans l’amour, comme si la femme ne pouvait exister, donc avoir un intérêt historique en dehors de l’amour qu’elle porte à un autre être ( un homme de préférence, exceptionnel si possible, et ses enfants, si elle en a, c’est une obligation).

Alors oui, j’aime bien raconter des histoires d’amour, même quand elles finissent mal; mais j’aime surtout raconter des destins, des histoires de pouvoir, des combats, des coups de folies, des récits d’aventures, d’engagement, de dépassement de soi et des franchissements de ligne blanche, des «non, jamais» et des «pourquoi pas».

Dans les magazines, on parle beaucoup de Marie-Antoinette, les grandes Catherines (de Russie, de Médicis) Cléopatre, Jeanne d’Arc, Sissi, j’en passe et des meilleures (ce sont souvent les meilleures qui passent). Oui, celles-là ont droit aux grands coups de projecteurs et au tapis rouge parce que reines, impératrices, saintes: des exceptions en raison de leur notoriété. Parce qu’il faut toujours des exceptions pour assurer la pérennité d’un système.

Sur la grande scène de l’Histoire de l’humanité, les femmes ont joué au mieux les seconds rôles, quand elles n’ont pas plutôt fait de la figuration.

Aujourd’hui, j’ai envie de raconter les oubliées de l’Histoire, les héroïnes anonymes qui n’ont jamais eu droit à la montée des marches. Les invisibles qui un jour, ont osé s’aventurer sur un terrain miné, une chasse gardée, celle des hommes et de leur ego triomphant, qui ont osé vivre leurs pulsions et laisser vibrer leur être profond, affirmer leur croyance dans un monde un poil meilleur, laisser battre leur coeur au rythme de leurs rêves et de leurs désirs, celles qui y ont cru, un an, un mois, un jour, une heure, celles qui ont su agir, créer, résonner, jouir. Et que l’Histoire a gommées parce que leurs désirs étaient trop bruyants, leurs rêves faisaient trop d’ombre sur la terre des hommes.

Envie de rallumer un spot sur ces figures féminines qui m’ont touchée, aventurière, scientifique, sportive, guerrière, écrivaine, artiste, musicienne… le temps de quelques lignes pour raconter comment elles ont osé, trois petits tours et puis s’en sont allées, anonymes à nouveau, rejoindre les limbes de l’Histoire.

Écrit par : Sophie Denis

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