ROSALIE, CLEMENTINE ET LES AUTRES
Parmi les jolis films de ce printemps, il y a Rosalie de Stephanie di Giusto. Rosalie est une fraîche jeune femme, élevée dans la Bretagne du XIXe, qui vient d’être mariée par son père à Abel, tenancier d’un café en déclin. Doux minois et yeux de biche, Rosalie a tout pour séduire son bourru de mari, éclopé de la guerre ( celle de 1870), au fond un bon bougre, mais qui ne supporte personne, et surtout pas lui-même.
Seulement voilà, Rosalie a une tare cachée, que son mari découvre le soir de la nuit de noces sous la blanche chemise de nuit: elle souffre d’hirsutisme, une pilosité abondante qui couvre des zones du corps normalement glabres chez les femmes, dos, poitrine, menton. Bref, Rosalie est une femme à barbe, ce qui au XIXe siècle, était considéré comme un phénomène de foire, un freak, au même titre que les nains, les frères siamois, les hommes à tête de chien ou les femmes troncs, tout ce qui faisait le succès de la monstrueuse parade du cirque Barnum.
Je ne vous en dis pas plus: sans être un chef-d’oeuvre, le film se laisse voir avec une plaisir certain. On comprend bien le propos de la réalisatrice: traiter de la différence, de la peur de l’autre, de la difficulté à s’éloigner d’un modèle qui nous est imposé de l’extérieur; difficulté à être soi, malgré les autres et malgré les injonctions multiples à normaliser les corps. «Nous sommes tous des cas à part» dit une religieuse dans le film ( ce qui ne l’empêche pas d’exclure Rosalie de son droit à avoir une vie de mère). Les êtres singuliers interrogent, surprennent, dérangent.