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Unité protégée

Unité protégée

SCENE 1

 Salle à manger d’une maison de retraite au décor aseptisé. Autour d’une grande table, tous les résidents sont en train de manger, à l’exception d’Andrée, absente. Françoise, en blouse blanche, vaque de l’un à l’autre.

FRANCOISE: Madame Mirecourt, il faut manger.

EDMEE: C’est pas bon. On veut m’empoisonner.

PIERRE: Vous avez mal?

FRANCOISE: C’est pas du poison, c’est du cabillaud.

MONIQUE: Je me dépêche: c’est bientôt l’heure du service.

EDMEE: Du poison, pas du poisson.

GEORGES (penché sur son assiette): 2,3,4,5….

FRANCOISE: Qu’est-ce que vous faîtes, Monsieur Durmic?

GEORGES : 15! J’ai compté 15 rondelles de carotte dans mon assiette.

FRANCOISE: Formidable! Si vous en mangiez quelques-unes, vous pourriez faire une soustraction.

PIERRE (à Edmée): Montrez-moi votre langue.

FRANCOISE: Non, elle montre pas sa langue, elle mange.

MONIQUE: Moi, je mange. (s’adresse à une peluche de berger allemand, posée à côté de son assiette) Hein, mon chien, t’en voudrais bien, toi aussi?

EDMEE: Quelqu’un ici veut ma mort..

PIERRE: Il faut vomir. Deux doigts dans la bouche. Je vais vous montrer.

MONIQUE ( se lève avec sa peluche, elle va la trainer partout ) : Je vais prendre mon service. Allez, Mabrouk, on y va.

FRANCOISE: Restez assise, Madame Pigouille. Et vous aussi, Monsieur Frémont. Non, laissez-la tranquille. ( s’énerve) Non, pas les doigts dans la bouche!

EDMEE: Il a voulu m’étrangler!

FRANCOISE: Personne veut vous tuer, Madame Mirecourt! Qu’est-ce qu’il fout le petit nouveau? En retard le premier jour, ça promet!

GEORGES ( dans son coin): 125, 126, 12…

FRANCOISE: Ah, non! Pas les grains de riz ( lui enfourne une grande cuiller). Allez, dessert pour tout le monde!

PIERRE: C’est quoi, le dessert?

(Karim surgit, de l’air de quelqu’un qui s’est perdu).

 FRANCOISE: Vous êtes en retard.

KARIM (essouflé ): Bonsoir! Je me suis trompé d’adresse.

FRANCOISE: Tu n’as pas de blouse?

KARIM: De blouse?

FRANCOISE: Oui, une blouse, le truc bleu, avec des manches, ça s’appelle un vêtement de travail! Enfile celle-là.. (Karim l’enfile).Je rentre chez moi dès que le dîner est fini. Alors enclenches vite la troisième, sinon tu vas caler.

KARIM : On se tutoie, M’dame?

FRANCOISE: Non, moi je te tutoie, toi tu me vouvoies. Question d’âge. Tu t’appelles…?

KARIM: Karim.

FRANCOISE: Tu n’es pas Auvergnat.

KARIM: Breton.

FRANCOISE: Tes parents auraient dû t’appeler Omar (elle glousse). Quoi, c’est pas méchant! Il nous manque une résidente: Karim le Breton, tu vas aller la chercher.

Madame Dumoulin, troisième chambre à droite. (Karim ne bouge pas). Tu ne sais pas où c’est?

KARIM: Où c’est?

FRANCOISE: Le couloir des chambres.

KARIM: Des chambres?

FRANCOISE: Tu vas faire l’écho toute la soirée? On les fait pas dormir dans des niches.

KARIM: Des niches? (inquiet) Il y a des clébards, ici?

FRANCOISE: Tu n’as pas visité l’ehpad avec le directeur?

KARIM: Non, c’est Pôle Emploi qui m’a filé le tuyau, j’ai appelé ce matin, on m’a dit de venir ce soir. C’est tout.

FRANCOISE: Ca promet. Je vais chercher Madame Dumoulin, sinon tu vas te perdre. Finis de donner à manger à Madame Mirecourt. Oui, celle-là. Vas-y, elle va pas te mordre. Ca promet. ( Elle sort).

KARIM (s’est assis devant Edmée sans lui donner à manger): Putain de sa mère! C’est ça, une maison de retraite? Ils décongèlent ou quoi? Elle a de beaux yeux, la vieille. Mais pas beaucoup de dents. Ca va pas être une partie de plaisir. C’est pas trop mal payé. Et plus personne veut faire ça. T’inquiète pas, mon petit Karim, la nuit, ils dorment. (Regarde Georges qui le fixe) Qu’est-ce que t’as, Jurassic? Tu veux un selfie? (S’empare de la peluche).

MONIQUE: Tu le touches, je te bute.

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