La Chaudière

SCÈNE 1

 Noir sur la scène. Un bruit de clé dans une serrure, une porte qui s’ouvre. On entend la pluie dehors.

Lumière. Une femme entre, des sacs plein les mains, un parapluie coincé sous le menton. Elle pose ses paquets et déambule dans le salon. Elle s’arrête devant une tête de sanglier empaillée.

 MARION: Salut Johnny! Toujours aussi laid. Tu me faisais tellement peur quand j’étais petite… (Elle s’assied, face au public, on voit qu’elle a pleuré). Quelle idée de venir ici! Ma chérie, pourquoi tu t’infliges ça? En plus, il fait froid. Allez, un coup de balai, des bougies, une bouteille de champagne, il ne manquera plus que la peau de bête… Et s’il ne venait pas? Il ne peut pas me laisser un jour comme aujourd’hui. ( Un portable sonne, elle cherche frénétiquement dans ses sacs. Dépitée, décroche) Oui, Maman…. Ca va. Rien de nouveau depuis une demi-heure. Oui, tu m’as appelée il y a une demi-heure. Et 9 fois en 4 heures… Tu ne t’en souviens pas, je sais… Mais si, je t’aime… Je suis bien arrivée. Je fête mon anniversaire avec des amies … Je vais avoir 50 ans, Maman… Moi non plus, je n’en reviens pas… Oui, j’ai eu de bonnes notes à l’école…………………………………. Non, Papa n’est pas avec moi, il est… parti travailler au bureau. Je t’embrasse. (Elle raccroche) Elle m’épuise. Commence par la chaudière.

(Elle s’apprête à passer à la cuisine mais revient sur ses pas, prend son téléphone, hésite et fait un numéro). François, c’est encore moi. Je te laisse un message, encore un. Je t’en laisserai tant que tu ne me répondras pas… Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. On avait convenu de le passer ici. Comme l’année dernière. Viens, je t’attends. En plus, il fait très beau. Je t’embrasse. (Elle raccroche). Je m’enfonce. (Elle disparaît dans la cuisine).

Deux femmes entrent. L’une est emmitouflée dans un grand manteau, cachée derrière des lunettes de soleil. L’autre, chargée de deux gros sacs de voyage, l’entraine à avancer.

 MICHÈLE (chuchote) Qu’est-ce que je te disais: elle est arrivée! (Devant la tête du sanglier) C’est resté dans son jus, ici! Elle doit être dans la cuisine, ou là-haut dans sa chambre. (Elle sort des cotillons, se coiffe d’un chapeau de fête et en tend un à Juliette). Allez, enfile. On attend qu’elle arrive et hop! On lui saute dessus. Elle va adorer. Bon, je sens que tu vas avoir beaucoup de conversation ce week-end.

JULIETTE (au bord des larmes): Excuse-moi… Je suis désolée.

MICHÈLE: Se faire larguer après 25 ans de vie commune, c’est dur à avaler! (Juliette éclate en sanglot)… Quel salaud, quand même! (Juliette redouble). Si tu continues, tu vas faire une flaque au pied du fauteuil! Sur ce magnifique tapis mangé par les mites.

JULIETTE (hoquète): Je suis désolée…

MICHÈLE: Arrête! Tu ne vas quand même pas t’excuser parce que ton mari t’a quittée et pour une pouf de 25 ans! Quelle honte! Ah, les hommes, qu’est-ce qu’ils ont dans la tête! Enfin, quand je dis la tête…

JULIETTE: Je suis…désolée….

MICHÈLE: Tu le dis encore une fois, et je te donne un gage. Tiens, rouler une pelle à (désigne la tête de sanglier)………. Cochonou. Attention, la voilà!

(Elles se cachent derrière le canapé. Marion revient, avec un plateau et des bougies)

MICHÈLE (surgit derrière le canapé, Juliette a un temps de retard): COUCOU C’EST NOUS!

Marion hurle en lâchant son plateau.

 MICHÈLE: BON ANNIVERSAIRE!

MARION : Vous m’avez fait une de ces peurs!

MICHÈLE: Plaisir aussi, j’espère? Non, on dirait pas.

MARION: Non… si… Je ne m’y attendais pas.

MICHÈLE: Comme tu m’as dit que François est à New York, j’ai pensé qu’on ne pouvait pas te laisser toute seule un jour pareil. Tu sais bien que tu peux toujours compter sur tes bonnes vieilles copines. Souris, ou je vais finir par croire qu’on t’emmerde.

MARION: Pas du tout. C’est juste que… je n’arrive pas à allumer la chaudière.

JULIETTE (se précipite dans ses bras): Je suis désolée…

MARION: C’est pas grave…. Qu’est-ce qu’elle a?

MICHÈLE (lui chuchote): Didier l’a quittée….

Chaudière

Contactez moi